La mise en place du télétravail est une question récurrente au sein d’une entreprise et primordiale en cette période de pandémie. Cette période inédite a poussé les entreprises à recourir au télétravail de façon précipitée. Cependant, il est nécessaire d’être vigilant et de prévenir la survenance des risques psychosociaux pouvant être liés au télétravail.
Quel est le cadre de mise en place du télétravail ?
Le télétravail est défini comme une forme d’organisation du travail, durant laquelle le salarié effectue sa prestation de travail, qui aurait pu être exécutée dans les locaux de l’entreprise, hors de ces locaux (Article L1222-9 du Code du travail).
Le télétravail peut être mis en place :
- Par accord collectif ;
- Par une charte ;
- En l’absence d’accord collectif ou de charte, par un simple accord entre le salarié et l’employeur.
Le télétravail n’est qu’une modalité d’organisation et d’exécution du travail, de sorte que l’employeur conserve son pouvoir d’encadrer et de contrôler l’exécution des tâches confiées aux salariés.
Quels peuvent-être les risques psychosociaux liés au télétravail ?
Les risques psychosociaux sont des risques inhérents à des situations de travail où sont présents notamment du stress, des violences internes commises au sein de l’entreprise par des salariés : harcèlement moral ou sexuel, conflits entre des personnes ou entre des équipes.
Il ne pèse pas sur les télétravailleurs des risques différents de ceux pesant sur les salariés présents dans l’entreprise. Mais la distance créée par la séparation physique entre le télétravailleur et l’organisation au sein de locaux de l’entreprise, peut augmenter la survenance de certains risques.
La différence est également dans le fait que les télétravailleurs doivent faire face à la survenance de ces risques, seuls, ce qui marque l’importance de la prévention en cette matière.
Les risques psychosociaux liés au télétravail peuvent être les suivants, il ne s’agit pas d’une liste limitative :
- L’isolement social et professionnel : perte du sentiment d’appartenance à une organisation ;
- La mauvaise gestion du temps : risque de ne plus différencier vie personnelle et activité professionnelle ;
- La pression liée aux objectifs : difficulté à évaluer seul sa charge de travail ;
- Le stress lié à la nature de la tâche : plus difficile de solliciter de l’aide en cas de problème ;
- Le mal-être suite au contrôle abusif ;
- La monotonie et la démotivation : sentiment d’ennui qui accompagne des tâches répétitives dans un même environnement de travail ;
- L’environnement de travail : espace dédié au télétravail dans le domicile est facteur d’augmentation des heures travaillées ;
- Les problèmes matériels : dysfonctionnement du matériel informatique permettant le télétravail et les problèmes de connexion ;
- L’inquiétude liée à la conjoncture économique : en raison de leur isolement, les salariés sont enclins à penser qu’ils ne sont pas tenus au courant notamment par leur direction ;
- Le rejet des collègues de travail : le télétravail peut dans certains cas être assimilé à une absence au travail par les collègues présents dans les locaux ;
- Les risques pour la santé : addiction au travail, mauvaise alimentation, assise et posture de travail inadaptée ;
- Les paramètres physiques : environnement physique néfaste tel que le bruit, la chaleur, l’humidité, l’absence de lumière ou encore le froid.
Le télétravailleur doit-il être considéré comme un travailleur isolé ?
Le risque du travailleur isolé doit également être envisagé dans le cadre du télétravail. Pour le limiter, il faut agir sur l’organisation du travail et sur les circonstances du travail isolé, en évaluant les points suivants : la durée de l’isolement, les moyens de communication, le lieu de travail, la nature du travail et le profil du télétravailleur.
Le salarié peut travailler seul au domicile. Il convient donc de se poser la question de la détection d’un malaise, d’une chute ou d’un accident éventuel, et des modalités de prévenance et d’intervention des secours.
Quels sont les chiffres concernant le ressenti des télétravailleurs quant à la survenance des risques psychosociaux ?
- 58 % des salariés en télétravail à temps complet sont en détresse psychologique contre 42 % pour les salariés qui travaillent à temps complet sur le site de l’entreprise. ;
- 41 % des télétravailleurs se sentent isolés ;
- 55 % estiment que cette forme de travail nuit au sentiment collectif d’appartenance à une équipe ;
- Un télétravailleur sur deux peine à oublier le travail après la journée et à opérer une déconnexion professionnelle ;
- 50 % considèrent que les webcams sont une forme d’intrusion dans leur vie personnelle.
Le baromètre a été réalisé auprès d’un échantillon représentatif de 2 004 salariés du privé et du public, selon la méthode des quotas. (Source : AFP)
Quelles sont les actions de prévention face à ces risques ?
L’employeur se doit d’évaluer les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, notamment dans le choix des équipements de travail, dans l’aménagement des lieux de travail ou des installations et dans la définition des postes de travail (Article L4121-3 du Code du travail).
Il est tenu d’établir et de mettre à jour un document unique d’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs (Article L 4121-3 du Code du travail).
Des mesures d’accompagnement des salariés en télétravail, doivent donc être prises par l’employeur, afin de prévenir certains risques.
- La durée et l’organisation du télétravail
Il est préférable de limiter le télétravail à quelques jours dans la semaine, de façon à allier travail en entreprise et travail à domicile. Ce mécanisme permet d’éviter tout risque d’isolement.
- Le contrôle du travail par l’employeur
L’employeur peut surveiller l’exécution du travail de ses salariés en télétravail, à condition de respecter leurs libertés individuelles fondamentales. Le salarié doit être informé préalablement des méthodes et techniques d’évaluation professionnelle, mises en place par l’employeur. Le CSE doit également en être informé et consulté.
L’employeur doit éviter de se livrer à une surveillance excessive par le biais de webcam, d’appels téléphoniques récurrents… La CNIL a précisé à cet effet que l’employeur ne peut demander à un salarié de rester connecté en permanence en visioconférence ou en partage d’écran pour s’assurer de sa présence à son poste de travail.
Un contrôle de la réalisation des missions par la fixation d’objectifs raisonnables sur une période donnée ou encore de demander au salarié d’établir un compte rendu régulier de son activité, sont des solutions envisageables pour maintenir un lien permanent avec le salarié.
- La charge de travail
La charge de travail prescrite devra faire l’objet d’une concertation avec le salarié et sera régulièrement réévaluée, afin de faire coïncider la charge de travail réelle et la charge ressentie.
L’objectif étant de définir précisément les tâches de travail du salarié pour mieux les maîtriser.
- L’espace de travail
Il est important que le télétravailleur ait un espace indépendant pour son activité professionnelle, à son domicile. Il est possible pour l’employeur de prévoir un accord ou une charte précisant l’espace que doit réserver le salarié pour recourir au télétravail.
- Les équipements de travail
L’entreprise doit mettre à la disposition du salarié les équipements nécessaires au télétravail, en particulier l’ensemble des systèmes informatiques (matériels, logiciels…) et des systèmes de communication lui permettant de réaliser ses fonctions.
Il est possible pour l’employeur d’assurer des formations appropriées sur l’utilisation du matériel informatique.
Le télétravail présente donc des avantages en termes de production des salariés, cependant il est nécessaire d’organiser son déroulement et sa mise en place afin prévenir la survenance de risques psychosociaux tels que l’isolement, la surcharge de travail, ou encore l’absence de conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle.
Agathe SAUVAGE Avocate 25ruegounod.fr