Par Philippe Lefevre, avocat associé
Un donneur d’ordre Français décide de confier des travaux d’aménagement d’un bâtiment en France à une entreprise Belge. Les travaux ne sont pas satisfaisants. Il reste un solde de facture à payer à l’entrepreneur Belge.
Comment la situation s’apprécie-t-elle ?
La compétence judiciaire s’apprécie au regard du règlement (CE n° 44/2001 du Conseil en date du 22 décembre 2000, entré en vigueur depuis le 1er mars 2002 en France).
Ce texte remplace partiellement la convention de Bruxelles ; celle-ci continue de s’appliquer sur les territoires des états membres qui ne font pas partie du territoire Communautaire (pour la France : territoires d’Outremer, Collectivités territoriales de Mayotte et de Saint Pierre et Miquelon) ainsi qu’aux relations avec le Danemark.
En principe, la juridiction compétente est celle de l’état membre sur le territoire duquel le défendeur a son domicile.
Ce texte dispose que : « Sous réserve de dispositions du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d’un état membre sont attraites, quelque soit leur nationalité, devant les juridictions de cet état membre » (Article 2 du Règlement CE n° 44/2001).
Il faut souligner cependant qu’en matière contractuelle, le règlement communautaire accorde au demandeur à l’action une option.
Celui-ci peut porter son action soit devant les Tribunaux de l’état membre où le défendeur a son domicile, soit saisir une autre juridiction d’un état membre en raison de l’existence d’un facteur de rattachement avec ce dernier.
L’article 5.1 de la Convention de Bruxelles dispose : « Une personne domiciliée sur le territoire d’un état membre peut être attraite, dans un autre état membre :
- a) en matière contractuelle, devant le Tribunal du lieu où l’obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée… ».
Le règlement communautaire, afin d’éviter les inconvénients du recours aux règles de Droit International privé de l’état dont un Tribunal est saisi, définit, dans deux hypothèses, le lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande.
C’est pourquoi il dispose :« Aux fins de l’application de la présente disposition, et sauf convention contraire, le lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande est :
- Pour la vente de marchandises, le lieu d’un état membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées,
- Pour la fourniture de services, le lieu d’un état membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis (Article 5 du Règlement CE n° 44/2001). »
Ainsi, le Règlement s’attache au lieu d’exécution de la prestation caractéristique.
Dans l’hypothèse visée, le lieu d’exécution de la prestation caractéristique est, s’agissant de la fourniture de travaux, la France ; la société de Droit Belge ayant réalisé les travaux en France.
Il faut souligner que les parties ont la possibilité de déroger, dans le contrat, à la règle de compétence énoncée par l’article 5.
A cet égard, l’article 23 du Règlement admet que l’attribution de compétence puisse prendre la forme d’une convention écrite.
Toutefois, lorsque la clause est mentionnée dans des conditions générales de vente, il convient que le contrat renvoie expressément à ces conditions, et que chaque partie ait été en mesure d’en prendre connaissance.
Une clause ne peut être considérée comme acceptée par le co-contractant dès lors qu’elle figure dans les conditions générales de vente figurant au verso de la facture et alors que le recto ne comporte de renvoi express aux conditions générales.
Par ailleurs, la clause doit être lisible et notamment rédigée dans une langue compréhensible par le co-contractant.
Hormis ces conditions, la clause d’attribution de compétence serait inopposable.
Sous ces différentes réserves, le Tribunal Français est donc compétent pour connaître du litige opposant les deux parties à raison de l’exécution du marché.